Sanjay Subrahmanyam, historiador indiano
Professeur d'histoire à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), Sanjay Subrahmanyam a aussi enseigné à New Delhi, à l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, puis à Oxford. Il est l'un des principaux promoteurs de l'histoire globale, ou histoires connectées, comme contre-proposition aux aires culturelles, les area studies. Son livre sur Vasco de Gama, qui élargit la recherche au-delà des sources portugaises, doit être publié en France en 2012.
Assiste-t-on à une mondialisation de l'histoire comme à une mondialisation économique au détriment de l'eurocentrisme ?
Il y a encore un problème d'articulation : en Inde, ce que l'on étudie dans les universités, c'est l'histoire indienne. Si vous cherchez un spécialiste de l'histoire du Japon en Inde, vous n'en trouverez pas. Même chose pour la Chine, des spécialistes de l'histoire indienne, il y en a peut-être deux. Entre la Chine et le Japon, c'est différent, parce qu'il y a une tradition japonaise de sinologie. Mais peu d'historiens chinois travaillent sur le Japon. Alors qu'est-ce que la mondialisation ? Souvent, cela revient au rapport avec l'Occident : la Chine et l'Occident, l'Inde et l'Occident... Il est difficile d'établir des passerelles entre l'Inde et la Chine. On est toujours dans un rapport centre-périphérie. Y a-t-il en Inde des historiens spécialistes de l'Amérique latine ? Pas plus qu'en Chine... Donc, pour aborder ce sujet, on va traduire des chercheurs américains ou européens.
La domination intellectuelle occidentale sur l'Orient n'est donc pas entamée ?
Non, loin de là. Ça ne peut pas se faire du jour au lendemain.
C'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Il y a des éléments positifs. Quand on a une grande tradition et des ressources, cela vaut quelque chose. Il serait stupide de dire que, parce que les Français ont colonisé l'Indochine, ce qu'on produit sur l'Indochine en France ne vaut rien. Mais en même temps, sans tomber dans une forme d'indigénisme qui voudrait que seuls les Chinois peuvent écrire sur la Chine, c'est inquiétant.
Prenez deux cas extrêmes : sur l'histoire turque et ottomane, les Turcs sont très, très forts. Il y a de grands chercheurs, des revues en turc, donc ils n'ont pas besoin de passer par l'Occident. En revanche, sur l'histoire de l'Indonésie, ce sont les Australiens qui ont fait ce travail, les Français, les Américains, un peu les Britanniques et les Néerlandais. Et même les Japonais ! Mais les vrais spécialistes, en Indonésie, de l'histoire indonésienne se comptent sur les doigts d'une main.
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